AYER (A. J.)

AYER (A. J.)
AYER (A. J.)

Né en 1910, professeur de logique à Oxford, A. J. Ayer fut tout d’abord, dans les pays anglo-saxons, le meilleur artisan de cette forme extrême d’empirisme qu’est le positivisme logique. Son premier livre (1936), programmatique et d’emblée classique, en offre un vigoureux exposé, avec un rare mélange de lucidité et d’ardeur. Comme son œuvre est d’un seul tenant, l’orchestration des idées sera plus soutenue avec le temps, leur expression plus prudente, mais les arguments essentiels ne seront jamais invalidés.

Le principe de vérification

En fait, l’originalité de Language, Truth and Logic tient pour beaucoup dans un double mérite, qui donne la clé de son évolution jusqu’à «Metaphysics and Common Sense» (1964): souligner une indiscutable connexion historique, réussir une indispensable traduction. Les savants, disciples antimétaphysiciens de Mach, qui entouraient M. Schlick étaient peu soucieux d’histoire de la philosophie ; Ayer inscrivit dans la tradition empiriste de Hume et Berkeley les thèses majeures du Cercle de Vienne, considérées comme son aboutissement logique. De plus, en soulignant les liens évidents qui le rattachent au Russell des Principia et au Wittgenstein de Some Remarks on Logical Form , Ayer opérait la conjonction souvent pertinente du positivisme continental avec la philosophie analytique anglaise.

En sorte que son œuvre apparaît comme complémentaire de celle de Carnap. L’un s’efforce de réaliser le programme réductionniste de l’empirisme moderne (Aufbau ), l’autre en jette systématiquement les bases philosophiques. Tous deux prennent acte de la situation faite à la physique après Einstein. Les concepts de cet ordre n’ont de sens que si l’on peut spécifier les opérations expérimentales destinées à les vérifier (définitions «opérationnelles»; on ne procède pas différemment avec les constructions d’esprit logiciste de Russell, qui permettent de concilier une certaine idéalité des mathématiques avec le fondement empirique des sciences du réel). Tous deux, qui ont contracté à Vienne un goût extrême pour la science et un extrême dégoût pour la métaphysique, élaborent le critère qui doit permettre de les distinguer: le principe de vérification , dont l’histoire se confond assez bien avec celle du mouvement. Parallèlement à Carnap, Ayer va prendre position sur les difficultés internes ou externes, impasses ou paradoxes, auxquels donnent lieu tant son application que sa formulation et son statut.

Vers une élucidation du langage scientifique

Il s’agit de donner au principe de vérification une efficacité mesurée par ce qu’on attend de lui philosophiquement et pratiquement. Éliminer certaine métaphysique comme sécrétion propre du philosophe, fonder la connaissance empiriomathématique contre les attaques sceptiques, fixer le statut des jugements de valeur, des énoncés qui portent sur le passé, l’avenir, les autres esprits (minds ). Une application ni trop radicale (sinon, à l’encontre du sens commun et du fonctionnement du langage naturel, tout ce qui ne se réduit pas à l’expérience empirique serait pur non-sens) ni trop anodine (une simple précision terminologique réservant le mot statement aux énoncés à signification empirique).

Il s’agit aussi de formuler ce principe de vérification en maintenant, contre la critique des énoncés protocolaires, une forme forte et une forme faible . La première («Tout énoncé est vérifiable au sens fort du terme si et si seulement sa vérité peut être établie de façon concluante par l’expérience») est bien le corrélat épistémologique de la conception extensionnelle des langages construits, selon l’inspiration phénoménaliste des Foundations of Empirical Knowledge (1940). Même quand il abandonnera l’idée de propositions indubitables (The Problem of Knowledge ; 1956), dans des écrits plus récents, Ayer considérera des propositions «qu’on est en droit» de croire vraies (Knowledge, Belief and Evidence , 1964). La seconde, dont on lira la formulation précise dans la préface de la deuxième édition de Language, Truth and Logic (1946), suffit à écarter les énoncés métaphysiques sur l’existence de Dieu, l’unité ou la pluralité des substances, comme elle suffit à fonder notre connaissance du monde extérieur. Elle convient aux propositions générales, permet de tenir les énoncés de la science et du sens commun pour des hypothèses toujours sujettes au test de l’expérience ultérieure et néanmoins légitimes.

Il s’agit surtout de se prononcer sur le statut et la valeur de ce critère positiviste du sens. Ni tautologie ni généralisation empirique, il est un principe méthodologique «évident», dont la définition n’est pas arbitraire. Ainsi, tandis que Neurath et Carnap rejettent, au nom de leur approche ultra-syntactique en philosophie, le non-sens métaphysique qui consiste à parler de la relation entre le langage et les faits, Ayer considère comme Schlick qu’il faut se garder une possibilité de traiter de l’accord entre les propositions et la réalité.

En conséquence, dès lors qu’une phrase a une signification littérale si et si seulement la proposition qu’elle exprime est ou analytique, ou empiriquement vérifiable:

a ) On distinguera, en regard des propositions empiriques, les lois de la logique et des mathématiques, considérées comme des opérations a priori ou analytiques, vraies par définition.

b ) On donnera une analyse des jugements moraux qui tienne compte des certitudes du sens commun (ce ne sont pas des hypothèses) et rectifie l’analyse fautive de G. E. Moore (elles seraient synthétiques et a priori). Pour autant qu’ils ont un sens, ce sont des énoncés scientifiques, psychologiques ou sociologiques; pour autant qu’ils ne sont pas scientifiques, ils sont dépourvus de sens; ni vrais ni faux, ce sont des expressions émotives: c’est la théorie émotive des valeurs affinée dans les Philosophical Essays (1954). L’assertion d’un jugement moral contribue à définir ces patterns de conduite, les attitudes morales. Ayer se défend contre l’accusation de nihilisme: l’analyse des jugements moraux relève d’une méta-éthique, et analyser n’est pas moraliser.

c ) La tâche du philosophe est totalement critique – définir la rationalité et ce qu’on accepte pour constitutif d’évidence. Sa méthode est analytique, indépendante de toute présupposition métaphysique (même celle de l’atomisme logique) ou empirique sur la nature des choses. Les propositions de philosophie ont un caractère linguistique. Les définitions in use , sur le modèle de l’analyse russellienne des symboles incomplets, sont ainsi différentes des définitions explicites du lexicographe. Ayer a fait accomplir, pour le compte de l’empirisme, la révolution sémantique qui, de Bentham à Frege, a déplacé le véhicule du sens du terme à l’énoncé. Son moyen: l’élucidation analytique complète du langage scientifique. Mais, s’il défend encore, contre J. Austin, le privilège du langage des données sensibles (sense data ), et, contre le sceptique, la validité de l’induction, Ayer semble bien se rapprocher du pragmatisme. C’est dire que les critiques de White et de Quine contre le dualisme si fondamental dans l’œuvre d’Ayer entre l’analytique et le synthétique paraissent appeler de sa part de nouveaux ajustements.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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